Les travaux des champs 

Si aujourd’hui, le début des récoltes se fait librement mise à part les vendanges, il n’en était pas de même au 19e siècle.

Courant mai, le maire devait afficher l’ouverture de la récolte du foin qui généralement était fixée au 24 juin. Il était précisé que celle des vendanges sera faite à la maturité du fruit et que le maire affichera les dates des autres récoltes.

A l’automne :

Le blé et l’orge sont les deux céréales semées en automne. L’avoine et l’orge le sont au printemps. Avant de procéder au labour, le sol est amendé avec du fumier. A l’aide d’une fourche à main, il est chargé sur les charrettes « voitures à bandages » et mis en tas dans le champ. Ensuite, il faut l’épandre sur le terrain, ce travail est très fatigant. Aujourd’hui, toutes ces opérations sont faites avec des machines.

Puis c’est le temps du labour avec un ou deux chevaux tirant une charrue simple ou brabant. Cette dernière permet à l’attelage de faire demi-tour et de revenir dans le même sillon. Le labour se fait en pièces ou en sillons. Chaque laboureur éprouve un certain orgueil ou une certaine fierté à tracer ses sillons droits. Il veille aussi à ce que le soc verse correctement la terre. Il est courant de voir dans le sillon creusé des souris courir. Souvent le chien de la ferme est présent et s’amuse avec.

Cette pratique est abandonnée avec l’utilisation des machines, notamment des moissonneuses-batteuses. Leur circulation en travers de la parcelle s’avère chaotique du fait de la présence des sillons.

Comme pour les vignes, une bande de terrain est réservée à chaque extrémité de la parcelle afin que l’attelage puisse tourner sans piétiner le sol ameubli. Elle disparaît avec l‘emploi de la charrue portée sur tracteur. Cette partie est ensemencée et la parcelle est entièrement rentabilisée.

Vient ensuite le hersage qui casse les mottes et nivelle la surface labourée. C’est seulement à ce moment là qu’intervient le semeur pour un travail délicat. Après avoir plongé la main dans le récipient contenant la semence (souvent confectionné à l’aide d’un sac en toile porté en bandoulière), il doit, d’un geste ample et en demi cercle, jeter les grains pour qu’ils se répartissent régulièrement (N’a-t-on pas appris à l’école, le geste auguste du semeur ?).

Un second hersage est pratiqué pour recouvrir les graines. L’utilisation d’un semoir mécanique a rendu moins aléatoire leur dispersion. Un tallage était fait à l'aide d'un rouleau pour favoriser la multiplication des tiges au printemps.

Au printemps :

Après les semailles et avant la fenaison, il y a la plantation des pommes de terre et le semis des betteraves fourragères. Pour ces deux travaux et pour faire un sillon droit, le cheval est conduit à la bride. Ensuite les pommes de terre sont déposées dans le creux du sillon à intervalle régulier d’une longueur de pied. L’opération inverse est effectuée mais là, le cheval doit marcher sur l’ados. Cette charrue à deux versoirs, un à gauche, l’autre à droite, recouvre les plants. Un sarclage s’avère utile après la sortie des premières feuilles. Une ou plusieurs pulvérisations seront nécessaires pour tuer les doryphores qui raffolent de leurs fanes. Un buttage sera fait à la période appropriée. Le sarclage est fatigant. Il fait mal au dos.

Pour les semis de betteraves il faut d’abord réaliser un sillon. Une raie est creusée sur son sommet avec une pioche ou un petit soc tiré par un cheval. Le cultivateur ou son épouse dépose les graines. C’est un travail délicat. Il ne faut pas les mettre en paquet ou faire des oublis. Il ne reste plus qu’à recouvrir la graine et attendre la germination. Le binage est comme le sarclage,  douloureux car en plus il faut éclaircir les jeunes pousses pour une meilleure croissance.

Par la force des choses, la culture des céréales était plus écologique que maintenant. Avant l’utilisation intensive des désherbants et insecticides il fallait couper les chardons et autres mauvaises herbes notamment le « chou gras » pour éviter leur propagation, améliorer la croissance des céréales et faciliter la moisson à la faux ; le choux gras sèche et sa tige devient dure en brunissant. Ce travail se faisait à l’aide d’une petite binette droite fixée à l’extrémité d’un long manche et était réservé aux femmes et enfants. L’utilisation d’un pulvérisateur permettra un gain de temps. La culture intensive nécessite l’emploi d’engins plus grands et il est courant de voir dans les champs les marques laissées à intervalles réguliers par les roues des tracteurs. Dans certains endroits, elles n’apparaissent plus puisque l’épandage se fait par hélicoptère.

La culture du colza, du maïs et du tournesol a pris de l’importance au cours des dernières décennies du 20e siècle.  

Le temps de la fenaison.

Avant l’emploi des faucheuses l’herbe est coupée à la faux. Les anciens journaliers partent en groupe, la faux sur l’épaule, très tôt le matin pour profiter de la fraîcheur et de la rosée car cette dernière facilite la coupe. Arrivés dans le pré, ils se placent l’un derrière l’autre et en cadence font le balancement de leur outil de droite à gauche. Les anciens qui ont connu cette période (Henri BREGAND) disaient que les faucheurs buvaient un demi-verre de goutte avant de partir.

Les faucheuses mécaniques tirées par un ou deux chevaux soulagent les bras des journaliers. Comme auparavant le travail commence très tôt le matin, vers deux, trois ou cinq heures. L’herbe se coupe mieux et les bêtes ne souffrent pas des taons ni de la chaleur.

Les différentes phases du fanage se font souvent manuellement sauf sur les grandes parcelles où la râteleuse est mise en action. Le retournement des andains se fait à la fourche. Les petits râteaux en bois sont employés pour rassembler le foin en « rues ou ries ».

Le chargement et le déchargement des « voitures » sont manuels. Une personne se trouve sur le plateau pour ranger les fourchées, une autre lui passe le foin. Dans le fenil, les enfants marchent dessus pour le tasser et permettre d’en stocker plus. C’est amusant mais la chaleur fait souffrir sous les tuiles. Certaines fermes sont équipées d’un treuil appelé « déchargeuse ». Plusieurs procédés existent: soit le chargement de la remorque est soulevé en une seule fois à l’aide de câbles, soit il est enlevé en plusieurs prises par une griffe. Celle-ci est accrochée à un rail et fait des navettes entre la remorque et le fenil. Un seul homme faisait cette opération et en général, c’était un moteur électrique qui actionnait le treuil. On pouvait avoir recourt au cheval. Il était attelé et tirait le câble sur une distance équivalente à la longueur du déplacement de la griffe. Un autre système qui n'a pas connu la même extension a été employé, il s’agit du turbo. Le foin était mis manuellement dans une sorte d’entonnoir et une soufflerie le propulsait dans le grenier à l’intérieur d’un gros tuyau orientable. L’emploi du tapis roulant est apparu avec l’utilisation des presses.

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Déchargement du foin à la griffe au coin d'amont - Irénée MAITRE

L’arrivée des tracteurs de plus en plus gros, leurs équipements et les nouveaux outils vont révolutionner le travail du paysan : faucheuse rotative, râteau faneur, pirouette, presse, auto chargeuse, emballeuse. Un seul homme peut exploiter une très grande superficie et les journaliers du début du 20e siècle avaient raison de craindre l’évolution. A cette époque 40% de la population française vivait de l’agriculture, aujourd’hui ce n'est plus que 4%.

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Fenaison près du bois des Belles Cotes

Paul BRENIAUX est sur la charette, Jean BRENIAUX charge à la fourche et le cheval Kléber attend l'ordre pour avancer.

L’été :

Après avoir engrangé les foins vient le temps des moissons mais certains travaux doivent être réalisés avant la récolte.

La moisson a connu plusieurs périodes.

Chaque année un champ est ensemencé en seigle. Cette céréale est égrenée en la frappant sur un tonneau en bois ou alors elle peut être battue avec un fléau. La graine est récupérée pour le bétail. La paille très longue est torsadée pour en faire des liens. Ces derniers pouvaient être aussi réalisés en laîche. Il faut les laisser tremper une nuit pour les assouplir et ils sont ensuite utilisés pour attacher les gerbes de blé, d’orge ou d’avoine.

Le pourtour du champ est dégagé avant le fauchage en utilisant une faux équipée d’un tablier en fer. Ce travail est nécessaire car il facilite le passage de la faucheuse et évite au cheval de piétiner la moisson.

La coupe se fait avec une machine dotée de deux sièges, l’un dans l’axe pour le conducteur et l’autre légèrement décalé à droite pour l’aide.

La machine possède un tablier en bois amovible ressemblant à une barrière. Celui-ci, redressé, reçoit les épis coupés. Quand l’aide juge que la quantité amassée correspond à une javelle, il abaisse le tablier et facilite le glissement de la javelle sur le sol avec une sorte de râteau. Cette opération est faite sans l’arrêt du cheval. Dans le même temps il faut détourner les javelles pour éviter qu’elles ne soient piétinées par le cheval lors de son prochain passage. Les femmes et les jeunes équipés de faucille ramassent les javelles et les déplacent. Elles sont laissées à sécher un ou deux jours puis elles sont regroupées par trois ou quatre sur les liens torsadés allongés sur les chaumes pour former une gerbe. On appelait cela « lever le blé ». Il était fréquent de trouver un serpent dessous. Les hommes font les ligatures et les gerbes sont mises debout par trois, les épis en l’air. Une quatrième est posée inclinée au-dessus, épis vers le bas, pour abriter les épis des trois autres. On dit mettre en « maillette ». Elles restent parfois une journée avant d’être chargées et emmenées sur le gerbier pour le séchage du grain.

Lors du retour à la ferme, il arrive qu’une couleuvre sorte du chargement et glisse sur le dos du conducteur de l’attelage qui marche à côté. Elle tombe sur sol et s’enfuit dans les herbes au bord du chemin.

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René BRENIAUX charge les gerbes

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Adrien BRENIAUX les range sur la voiture

La moisson avant 1960

La javeleuse supprime le déplacement manuel des javelles avant un second passage de l’attelage. C’est une machine que l’on pourrait nommer « moulin à vent ». Elle est équipée de pales qui dégagent les javelles sur le côté mais il faut toujours attacher les liens. La moissonneuse-lieuse a encore simplifié le travail.

Après avoir séché dans le grenier, la moisson devait être battue pour séparer le grain de la paille. Je ne parlerai pas du fléau qui a été remplacé depuis longtemps par la batteuse, mais seulement du tarare appelé aussi « vanoir » qui était utilisé pour trier le grain. Il était constitué d’une trémie, de deux grilles oscillantes et d’une soufflerie. La graine était déversée dans la trémie et s’écoulait sur une première grille vibrante avec un débit régulé. La soufflerie provoquait l’envol des balles et des grains légers vers l’avant de l’appareil. Ceux qui ne pouvaient passer dans la grille étaient entraînés vers l’avant puis chutaient sur le côté. Le calibrage des grilles était différent selon les céréales. Les grains conformes tombaient à l’arrière et les plus petits dessous après être passés au travers d’une seconde grille.

Au cours du mois de septembre a lieu le battage, travail couramment appelé « battoir ». Une entreprise se déplace dans les villages et visite toutes les fermes avec un tracteur équipé d’une grosse poulie qui tracte la batteuse proprement dite, la presse pour faire des bottes de paille et une remorque chargée de fûts de gasoil, cric, cales, etc. Le tracteur a remplacé le chaudron à vapeur tiré par des bœufs. L’entraide est d’usage, chaque famille participe au battoir des autres et ainsi, le jour où le sien s’effectue, elle peut compter sur une dizaine de bras. Tout ceci donne lieu à de copieux repas qui se terminent souvent le soir avec des chansons, pas trop tard, car le lendemain il faut aller chez un autre voisin.

La batteuse est mise de niveau avant la mise en route, le tracteur est positionné à quelques mètres à l’arrière. Une large courroie relie la poulie du tracteur à celle de la batteuse pour la mise en mouvement des divers organes de la machine.

Un travail est réservé aux jeunes garçons ou filles, ils doivent couper le lien des gerbes sur la batteuse avant qu’elles ne soient éparpillées et introduites dans le batteur. Les hommes se répartissent sur le gerbier, à la presse. Les plus forts se trouvent à l’arrière avec le maître de céans qui contrôle la graine et par conséquent le fruit de son travail. Ils remplissent des sacs en toile à partir de goulottes et les portent dans le lieu de stockage

Ces traditions se sont éteintes avec l’arrivée des moissonneuses batteuses vers 1960.

 

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Battoir chez Adrien BRENIAUX

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Battoir chez Arthur MILLOUX

L’automne :

L’arrachage des pommes de terre se fait avec une charrue tirée par un cheval. Le sillon est ouvert, femmes et enfants (le jeudi) ramassent les tubercules qui sont regroupés puis chargés sur une charrette équipée non plus d’un plateau mais de planches formant une sorte de caisse allongée.

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Arrachage des pommes de terre - Adrien BRENIAUX et son épouse

Les betteraves sont récoltées plus tard et sont arrachées à la main. Les feuilles sont coupées à hauteur du collet. Une partie est donnée au bétail, le reste est enfoui pour faire de l’engrais vert.

Après le retour de l’école et pendant que les parents font le pansage et la traite, les enfants déchargent les remorques. Un remplit les corbeilles, un autre va les vider dans un cellier ou une cave.