La vigne
Chaque famille dispose d’un lopin de vigne. Certaines personnes originaires de la commune et parties travailler en ville exploitent une parcelle provenant très souvent d’un héritage. Jean BRENIAUX domicilié en Alsace est le plus éloigné. Il exploite encore aujourd’hui une parcelle « à la capitaine » en bordure de la rue de l’église, côté droit. Il en est de même pour des personnes habitant des villages voisins.
Le vin récolté est destiné à la consommation familiale et n’était pas d’une grande qualité. Certains faisaient de la piquette pour économiser leur vin. Il était souvent vert et aigrelet et son degré d'alcool peu élevé mais il faut reconnaître qu’il désaltérait bien. On entendait couramment «tu peux en boire, il ne fait pas de mal. Il est naturel. C’est le nôtre ! » En général la quantité produite suffit pour l’année.
Des producteurs apportent un soin particulier à leur production et plus particulièrement à la vinification. Ils font un bon produit dont ils peuvent être fiers. Brainans est en zone d’appellation d’origine contrôlée « Côtes du Jura ». La qualité s’est nettement améliorée avec la suppression du cépage « noa » qui était le seul plant à avoir résisté à l’épidémie de phylloxéra qui a sévit en fin du 19e siècle. Il avait un goût particulier et, arrivés à maturité, les grains tombaient sur le sol au moindre choc contre les fils de fer.
Cette maladie a provoqué la disparition de la recette buraliste. En août 1899, on demande son retour car la reconstitution du vignoble a repris. Il est à remarquer que la localité d’Oussières n'a plus de vignoble.
La superficie plantée en vigne a énormément diminué car les jeunes agriculteurs sont peu intéressés. La vigne nécessite beaucoup de travaux manuels et l’achat de matériel n’est pas envisageable compte tenu de la petite taille des surfaces exploitées.
La politique menée n’a pas provoqué la disparition de la vigne sur le mont Saint-Barthélemy en partie grâce à la détermination de Joël BOURGEOIS, un jeune du village qui est devenu vigneron. Il a replanté deux hectares de cépages et produit un vin de qualité.
Le travail dans la vigne est pénible. A l’automne il faut butter les pieds de vigne avec une charrue tirée par un cheval. Elle sera remplacée plus tard par le motoculteur. Toutes les vignes disposent à leurs deux extrémités d’une bande de terrain nommée « chintre » pour permettre à l’attelage de tourner et reprendre la rangée suivante. On plante sur le « chintre » quelques souches d’osier (« avens ») dans l’alignement des rangées. Il est utilisé pour attacher les sarments aux fils de fer une fois la taille faite à la fin de l’hiver. Les gens disent « je vais lier ». Au printemps, il faut « débutter » puis « fossurer » c'est à dire piocher la partie non atteinte par la charrue. Cette tâche est très fatigante et casse les reins.
Après l’apparition du feuillage, une surveillance s’impose pour détecter les maladies. La pulvérisation de la bouillie bordelaise va éradiquer le mildiou. Cette opération sera renouvelée autant de fois qu’elle s’avèrera nécessaire. On utilise une bouille à sulfater souvent de marque Vermorel. Durant l'été, en cas d’oïdium, il faudra projeter du souffre sur les feuilles. L’effeuillage enlève le surplus de branches, garantit aux raisins une meilleure exposition au soleil et favorise sa maturité.
Lors de l’emploi du cheval pour le passage de la houe, il fallait lui mettre un panier au museau pour ne pas qu’il mange les sarments.
Chaque année un arrêté municipal était pris pour interdire la divagation des volailles avant la période des vendanges et la chasse ne se pratiquait pas dans les vignes.
En 1847, l’arrêté précise que les vendanges doivent se faire entre le lever et le coucher du soleil.
Les maladies, la gelée et la grêle sont les ennemis du vigneron. Pour lutter contre cette dernière un cabanon en dur était construit sur le mont à proximité de l’église (vers le château d’eau actuel). Il était fermé par une porte en bois, sa partie supérieure n’atteignait pas le plafond de façon à ménager un espace. Celà permettait de ventiler le local tout en masquant son contenu. Des fusées anti-grêle étaient tirées à l’extérieur du local, attachées à un bâton enfilé dans un tube canon comme les feux d’artifices. Elles avaient pour effet de détourner les nuages douteux de leur trajectoire et de réchauffer l’air. Le résultat était très aléatoire. Celà revenait en fait à les envoyer sur les villages voisins. Un sujet de discorde pouvait naître de cette pratique surtout si la grêle s’abattait sur le vignoble d’à côté et causait des dégâts. Quel degré d’efficacité fallait-il attribuer à cette pratique ?
Avec l’automne, arrive le temps des vendanges.
Auparavant, il fallait préparer les tonneaux. Un enfant gringalet était souvent sollicité pour entrer dans les gros fûts et en faire le nettoyage. En grandissant il devait faire quelques contorsions pour y parvenir et pouvait éprouver quelques craintes pour en ressortir, souvent même des difficultés. Pour ce travail, il recevait une pièce et des friandises.
Les vendanges clôturent quasiment la période des récoltes. C’est l’occasion de revoir la famille, des oncles, tantes et cousins qui viennent aider. Pendant quelques jours, le mont Saint Barthélemy s’égaie. Les vendangeurs s’interpellent en passant en bordure d’une parcelle en cours de récolte.
Leur bon déroulement dépends des conditions atmosphériques : soleil, pluie, brouillardl ou gel qui fait tomber les grains de raisin qu’il faut ramasser. Chaque récolte est différente.
Un homme porte la hotte dans laquelle les vendangeurs vident leurs seaux, un autre effectue l’égrappage en frottant le raisin sur des grilles en bois. Les grains tombent dans le crible, récipient en bois positionné en dessous. Avant de partir pour les vignes, deux de ces cribles sont chargés sur une charrette. Ils sont remplis une fois ou deux fois par jour en fonction du nombre de vendangeurs.
Le soir, les grains de raisin sont écrasés avec un « cylindre » et tombent dans la « seille » qui n'est autre qu'une cuve en bois. Les rouleaux du cylindre sont cannelés pour ne pas broyer les pépins ce qui donnerait de l’amertume.
Le contenu de la cuve ou « moult » est alors versé dans de gros tonneaux pour fermenter. La vinification est une affaire délicate réservée au chef d’exploitation.
Les vignes au printemps et en juillet
La période de distillation a lieu l’hiver pour ceux qui détiennent le droit de bouilleur de cru. Le marc est distillé dans l’alambic communal qui appartient au syndicat des vignerons, installé dans un local situé au centre du village. Pour y accéder, il faut emprunter un « treige » très pratique pour surveiller le passage dans la rue.
En 1916, il est demandé audit syndicat de le mettre à la disposition de tous les bouilleurs de cru. Des particuliers ont possédé un alambic pendant de nombreuses années : Joseph MONCEAUX, Pierre BRENIAUX, les Frères ROMANET, Louis MAÎTRE le jeune, Adrien BULABOIS. Trois viendront s’ajouter en 1921 : Honoré MONCEAUX, Hippolyte MOLIN et Docithé BRENIAUX. Ils sont autorisés à distiller dans leurs locaux mais en cas d’infraction ils seront tenus de le faire dans l’alambic public. La réglementation est stricte en ce domaine, tant sur les horaires d’ouverture de l’atelier que sur la quantité d’alcool exonérée de taxe. Chaque bouilleur de cru a droit à 1 000 degrés d’alcool pur soit vingt litres de marc à cinquante degrés. L’excédent fait l’objet d’une taxe.
Il est bien connu que le Français a un tempérament frondeur et par conséquent veut plus ou moins contourner la loi, en un mot frauder mais l’administration des contributions veille. Il est toujours tentant de distiller quelques litres supplémentaires. Si tel est le cas, il est prudent des les faire disparaître rapidement de l’atelier, surtout les premiers litres qui affichent un degré d’alcool élevé. Des propos entendus couramment reflètent cet état d’esprit, propos du style « c’est quand même pas rien, c’est notre production et nous ne faisons pas ce que nous voulons. Il faut se cacher ». Certains plus téméraires ne respectent pas les horaires, commencent plus tôt ou terminent plus tard. Cela s’est même fait la nuit. Gare au contrôle des agents du fisc surnommés « les rats de cave ».
Les techniques de contrôle s’affinent avec les années. Des sondages sont réalisés dans les vignes à la période des vendanges. Un barème est établi entre la teneur en sucre et le rendement à l’hectare. Il est transposé et comparé avec la déclaration du bouilleur de cru sur la quantité de marc déclarée et la superficie de ses vignes. Ceci permet d’évaluer la quantité d’eau de vie qui sera distillée. Dès la cuite terminée il faut renseigner les documents avant de procéder à la suivante.
La présence du contrôleur du début à la fin d’une cuite exclut toute tricherie pour l’année en question. Les contrôles se sont intensifiés et plusieurs bouilleurs de cru ont réglé des amendes, d’autres ont vu leur droit supprimé. Cet avantage n’est plus transmissible et a même été supprimé. Malgré tout, chacun est libre de le faire en s’acquittant en totalité des droits.
Il faut savoir que la quantité distillée et déclarée doit rester dans l’atelier jusqu’à l’heure de fermeture légale. Le service de contrôle a le droit de suite et de séquestre.
Jean BRENIAUX domicilié en Alsace exploite une vigne et distille à Brainans
Photo et article de Pierre BRENIAUX paru dans le journal "Les Dépêches"